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Les chambres du Vatican

1508 / 1520 - Raphaël

En 1503, Giuliano Della Rovere (neveu du pape Sixte IV qui régna de 1471 à 1484), devient le pape Jules II en succédant à Alexandre VI, un membre de la famille Borgia auquel il s’était opposé durant toute sa carrière religieuse et politique. Durant son règne et celui de son successeur Léon X, la volonté papale sera de faire de Rome le centre religieux et culturel le plus important du monde occidental. L’objectif est de soumettre moralement l’empereur du Saint-Empire romain germanique ainsi que les autres monarques européens mais aussi d’affirmer le pouvoir catholique dans la lutte contre la réforme protestante en plein essor dans les pays du nord.


C’est en référence à Jules César que le nouveau pape choisi son nom de souverain pontife. Son ambition est de faire renaître la grandeur de la Rome antique tout en remplaçant son histoire païenne par la philosophie chrétienne. A partir de 1507 Jules II se lance dans un gigantesque programme de reconstruction de la ville, dont l’entretien avait été jusqu’alors laissé à l’abandon. L’expression artistique en peinture, sculpture et architecture se voit alors dirigée selon les règles du modèle antique emprunté au haut empire romain.


Au début de son règne Jules II s’installe dans les appartements de son prédécesseur. Il s’occupe à faire disparaître toutes traces des Borgia mais hésite à détruire les fresques peintes par Pinturicchio qui décoraient les chambres. Il décide donc de déménager les appartements papaux au second niveau du Vatican pour lesquels il charge, en 1507, un groupe d’artistes florentins de réaliser la décoration. Pérugin dirige le chantier composé de Baldassare Peruzzi, Sodoma, Lorenzo Lotto et Raphaël qui arrive en 1508. Celui-ci se montre tellement talentueux et efficace à servir les desseins du pape que Jules II décide de confier à lui seul la direction du projet. Fort des pleins pouvoirs qui lui sont confiés, Raphaël, à 25 ans, devient la personne incontournable pour les artistes désirant travailler à Rome.
Dans les chambres du pape, il efface le travail commencé par le groupe et entame l’oeuvre qui fera de lui le peintre le plus célèbre de son temps et qui lui donnera une renommée que seul Michel-Ange avait réussit à atteindre.


La chambre de la signature (1)
Les fresques de la première chambre sont dédiées au savoir. Elles repésentent les personnages célèbres de l’histoire de l’humanité qui se sont illustrés dans les domaines de la philosophie, de la théologie, de la poésie et de la justice. Raphaël traite les sujets de manière vivantes où les personnages sont en action.


L’école d’Athènes met en scène les philosophes de l’antiquité entourés de leurs disciples. Au centre du tableau se trouvent Platon (index tendu vers le plafond) et Aristote. A leur gauche Socrate instruit un groupe de jeunes athéniens. A l’extrême gauche du tableau Epicure est plongé dans la lecture d’un livre en s’appuyant sur une colonne. Au premier plan sur la gauche Pythagore écrit ses théorèmes. Le personnage accoudé au premier plan central représente certainement Michel-Ange. On ignore si celui-ci a été intégré à la composition à la demande du pape ou si Raphaël a souhaité rendre hommage à son rival qui travaillait à ce moment là sur le plafond de la chapelle Sixtine. Le personnage avachit sur les marches représente Diogène, fondateur de l’école cynique, méprisant les conventions et les apparences. Le groupe à droite entoure Euclide qui fait une démonstration sur une ardoise à l’aide d’un compas. Derrière lui, les astronomes Zoroastre et Ptolémée tiennent les sphères céleste et terrestre. Tout à fait à droite, le jeune homme qui regarde le spectateur n’est autre que Raphaël qui s’est placé lui-même au milieu des personnages.
Cet ajout de personnages divers est un apport moderne que fait Raphaël à la tradition qui se serait limitée à la seule représentation des 7 philosophes qui font le sujet du tableau. Il réussit a créer une scène équilibrée tout en prenant certaines libertés avec la symétrie de la composition.


Face à l’Ecole d’Athènes se trouve la fresque ayant pour thème la théologie : La dispute du saint sacrement, représentant la doctrine catholique. Ses deux oeuvres en vis à vis mettent en relation, comme le souhaite Jules II, le savoir de l’antiquité associé à la foi chrétienne. La composition sur deux plans présente en haut le monde céleste dominé par dieu, le christ et les saints. En bas le monde terrestre dans lequel les pères de l’Eglise posent les bases du catholicisme, surplombés par les auteurs des évangiles représentés sous la forme de puttis. Parmi les membres participant à la discution, Raphaël a placé divers personnages célèbres : son ami l’architecte Bramante, le peintre Fra-Angélico, le poète Dante, les papes Innocent III et Sixte IV et le moine Savonarole. Au centre la symbolique liée au ciboire (contient l’hostie qui matérialise le Christ) aligné sur la colombe (la sainte trinité) permet de créer la relation entre les deux mondes.


Le Parnasse est la fresque de la poésie. Comme pour l’Ecole d’Athènes, les personnages sont répartis en petits groupes. A nouveau, l’aspect vivant de la composition est rendu par les discutions, le jeux des regards et les gestes éloquent des protagonistes.
Les grands poètes de l’histoire, reconnaissables à la couronne de laurier qu’ils portent sur la tête (Homère Pétrarque, Sapho, Dante...), sont accueillis après leur mort, sur le Mont Parnasse. Ils occupent l’espace autour d’Apollon jouant de la lyre. Les neuf muses sont également présentes autour du dieu antique.

La quatrième fresque de la chambre de la signature est consacrée à la justice avec La remise des Pandectes à l’empereur Justinien et la remise des Décrétales au pape Grégoire IX. C’est sous les traits de Jules II âgé que Raphaël représente Grégoire IX, majestueux et tel un monarque tout puissant trônant au milieu de sa cour.


L’ensemble des fresques de cette première chambre, anciennement la bibliothèque du pape, font un parallèle entre la foi et la connaissance. C’est par l’utilisation de la grandeur de la Rome antique dans l’iconographie catholique que Jules II aura manifesté son désir d’étendre le pouvoir du vatican à toute la chrétienté.


La chambre d'Héliodore (2)

Après le savoir, c’est la puissance du pouvoir papal qui sert de thème aux fresques de la seconde chambre. Le message est clair : le pape est le seul représentant officiel de Dieu sur terre. Sur chacune des scènes représentées, l’Eglise menacée remporte la victoire sur ses ennemis grâce à l’intervention divine. Si les épisodes traités sont d’époque biblique, les informations exprimées grâce à l’habileté technique de Raphaël sont contemporaines et servent les desseins du Vatican.


La première fresque, Héliodore chassé du Temple reprend un passage de l’Ancien Testament : Héliodore incarne l’ennemi venu voler le trésor du Temple. Au centre du tableau, le grand prêtre Onias adresse ses prières à dieu pour lui demander d’empêcher l’envoyé du roi perse de s’emparer des richesses sacrées. Celui-ci exauce son souhait en envoyant trois anges qui chassent Héliodore (au premier plan à droite.) Sur la gauche, Jules II entre dans la composition sur sa chaise à porteurs. Son intégration dans l’espace pictural en fait le l’héritier légitime de la tradition monothéiste et affirme ainsi le choix de Dieu de dédier à la papauté le pouvoir spirituel sur terre.

La délivrance de saint Pierre démontre que les chefs de l’Eglise sont placés depuis toujours sous la protection de Dieu. Pierre, le premier pape, est prisonnier des romains. Un ange, dont le pouvoir divin suffit à rendre les gardes incapables de la moindre opposition, vient le délivrer. La scène est peinte dans une ambiance nocturne dans laquelle la lumière provient de l’ange, laissant les romains dans l’ombre.
Raphaël a rompu avec l’unité de temps présente génralement dans les oeuvres de la renaissance en plaçant saint Pierre à deux reprise dans la composition : dans son cachot au centre au moment de la délivrance puis à droite pendant la fuite.

La messe de Bolsena illustre une histoire datant du moyen-âge : un prêtre que le doute tourmentait retrouve la foi en voyant couler le sang sacrée d’une hostie. Le message de la fresque affirme la présence du Christ dans l’Eucharistie. L’intégration de Jules II au sein de la scène en fait maître absolu de la foi retrouvée.

La mort de Jules II en février 1513 n’interrompie pas le travail accompli par Raphaël. Le nouveau pape, Léon X, fils de Laurent de Médicis, continua en digne héritier du trône pontifical la politique intellectuelle amorcée par son prédécesseur.
La quatrième fresque de la chambre d’Héliodore exprime à travers La rencontre entre Léon Ier le Grand et Attila le triomphe de la chrétienté sur les peuples barbares. Léon Ier est représenté sous les traits de Léon X qu’accompagnent les envoyés de Dieu qui provoquent la panique dans les troupes ennemies. L’Eglise est victorieuse face à la menace extérieure sur les territoires que Dieu lui a accordé. Dans le contexte politique de l'époque, le message possède un double sens : il met en garde les souverains européens qui souhaiteraient attaquer les provinces italiennes.


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