Edouard Manet - 1872

Berthe Morisot au bouquet de violettes

par Anita Coppet

Edouard Manet
Berthe Morisot au bouquet de violettes
1872
Huile sur toile
55 x 38 cm


C’est une jeune femme un peu échevelée, qui dans sa tenue sombre, ponctuée par un petit bouquet de violettes, dégage une certaine mélancolie. Cela vient aussi du chapeau, élégant mais sinistre, dont on devine qu’il fait partie des accessoires indispensables des dames de son époque. Elle est parisienne, on le jurerait et on aurait raison, car la belle n’est autre que Berthe Morisot, première femme peintre impressionniste, et pour le tableau qui nous occupe, modèle de Edouard Manet qui deviendra plus tard son beau frère.
Mais revenons à la toile, où l’on pourrait aussi discerner un brin de coquetterie dans le visage qu’elle nous offre. Peut-être à cause des mèches indomptées qui sortent du chapeau justement. Mais ce qui compte, ce sont ses yeux ou plus exactement son regard. Profond, intense, comme « ailleurs ». Que voulait donc le peintre ? On l’imagine lui disant « Berthe, regardez moi et videz votre jolie tête », ou bien au contraire « fixez ce point devant vous Berthe et pensez à quelques chose qui vous trouble, vous étonne ». Quelle que fut la demande, Mademoiselle Morizot obéit et l’artiste a su raconter l’histoire à coups de pinceau.

Comme au théâtre, tout est question d’éclairage. Manet s’amuse avec la profondeur des noirs, et met la jeune femme en lumière. L’arrière plan est d’une force solaire, donnant à son modèle une présence presque magique. On perçoit cependant une certaine fragilité. Est-ce ce qui a séduit l’artiste ? Ils se sont connus au Louvre, où les deux sœurs Morisot réalisaient des copies. Fantin Latour les présenta et dès qu’il le put Manet proposa à Berthe de poser pour lui. Nous sommes en 1868, les séances de travail vont commencer très vite. Les parisiens découvriront le résultat au Salon de l’année suivante, en 1869  avec Le Balcon, qui avant d’être célèbre fera scandale pour les uns tout en déclenchant un véritable enthousiasme chez les autres. En fait, l’œuvre choque ou ravit pour les mêmes raisons, sa construction, ses couleurs, et même ses personnages. « Aucun ne regarde l’autre, c’est insensé ! ». Du trio installé au balcon, Berthe assise est celle qui aura droit aux plus de commentaires. En ce qui la concerne, son image la laisse perplexe.  « Je suis plus étrange que laide. Il semble que l’épithète de femme fatale circule parmi les curieux. » déclara t-elle.

Manet fera dix portraits de Berthe Morisot, entre 1868 et 1874. Celui du bouquet de violettes sera réalisé en1972.  Paul Valéry, le neveu de Berthe par alliance, en fit l’éloge comme seuls savent le faire les poètes.  En préface du catalogue de l’exposition célébrant le centenaire de la naissance de Manet, voici ce qu’il écrit : « Je ne mets rien, dans l’œuvre de Manet, au-dessus d’un certain portrait de Berthe Morisot, daté de 1872. (…) Je puis dire à présent que le portrait dont je parle est poème. Par l’harmonie étrange des couleurs, par la dissonance de leurs forces ; par l’opposition du détail futile et éphémère d’une coiffure de jadis avec je ne sais quoi d’assez tragique dans l’expression de la figure. Manet fait résonner son œuvre, compose du mystère à la fermeté de son art. Il combine la ressemblance physique du modèle, l’accord unique qui convient à une personne singulière, et fixe fortement le charme distinct et abstrait de Berthe Morisot. »
On ne saurait mieux dire.

A propos de l'auteur

Anita Coppet est journaliste. Elle propose des ateliers d'écriture en ligne pour tous ceux qui souhaitent apprendre ou se perfectionner dans la l'écriture et la rédaction d'articles, de nouvelles, de romans etc…

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