Analyse de l'image

par Thomas Greiss

Composée de signes et porteuse d’une signification particulière, l’image véhicule un message choisi par son créateur. La lecture et la compréhension de ce message, dans le cas d’une œuvre d’art, ainsi que la portée expressive de l’image sont, grâce à l’analyse, enrichies par les connaissances, la sensibilité et la capacité d’imagination (avec toute la retenue et le bon sens que l’on doit respecter dans l’étude d’un tableau) du spectateur.

La méthode proposée ici, loin d’être unique et exhaustive dans son approche, ne s’applique qu’aux images créées dans un objectif particulier et par la volonté de leur auteur, autrement dit l’icône selon la classification de Charles Sanders Peirce : tableau, fresque, miniature etc.
 

Exemple de méthode pour analyser un tableau

I - La carte d’identité
Ce sont les données de base, physiques, du tableau. Elles ne peuvent pas être imaginées et demandent la connaissance précise des informations les concernant : auteur, titre, date de création, dimensions, nature et support (huile, acrylique, encre, toile, panneau de bois, papier etc.). La nature du tableau peut également être mentionnée ici (figuratif : portrait, paysage, peinture d’histoire, scène religieuse ou de genre ; abstrait).

II - L’artiste et le contexte
Les informations concernant le peintre et le contexte sont souvent une aide précieuse à la compréhension du tableau : œuvre de jeunesse ou de maturité, commande ou expression personnelle, destinataire(s), diffusion de l’œuvre et sa réception (où a-t-elle été visible, succès à l’époque de sa création ou a-t-elle été redécouverte plus tard ? Quel impact sur les spectateurs ?) etc. Le contexte politique et social de l’environnement de l’auteur ainsi que sa personnalité sont aussi de première importance car ils expriment l’essence même de l’état d’esprit de l’image : la nature expressive de l’œuvre est complètement différente entre, par exemple, une miniature des frères Limbourg lorsqu’ils répondent à une commande précise du duc de Berry et une toile que Van Gogh a peinte torturé par la folie, personnelle et intérieure.

III - La description
La description est le support principal de l’analyse. Elle permet au lecteur de percevoir l’image dans son ensemble mais aussi dans des détails qui ne sont pas forcément visibles  au premier abord mais que l’analyste a su capter par une étude attentive. On met ici en lumière les différents types de messages :

Iconique : ce sont les signes figuratifs immédiatement identifiables comme les objets, les personnages ou les lieux mais aussi les signes dont, si l’on se réfère à la théorie bien pratique de Roland Barthes, le signifiant et le signifié ne peuvent se comprendre qu’en fonction d’une convention bien souvent culturelle, autrement dit les symboles (la colombe pour le Saint-Esprit ou la colonne pour le Christ dans les tableaux du Moyen Âge. Dans ce dernier cas une érudition particulière de l’analyste est nécessaire car cette signification n’existe plus forcément dans les codes visuels de notre époque).

Plastique : ce sont les couleurs, les formes, la touche, la matière et la texture.

Linguistique : éléments textuels écrits éventuellement dans l’image.

La description doit être le plus référentielle possible sans se soucier à cette étape d’apporter des explications sur le message visuel. Elle peut intégrer les éléments de contexte expliqués dans la partie II ci-dessus.
Les analyses suivent généralement un ordre partant du premier plan vers l’arrière plan ou de gauche à droite mais cela est laissé à la libre volonté de l’auteur.


IV - L’analyse : rhétorique et connotations
L’auteur de l’analyse va pouvoir à cette étape utiliser son savoir et son imagination (insistons encore sur le fait que celle-ci doit rester au service de la cohérence de l’analyse) pour expliquer et enrichir la compréhension que l’on peut avoir de l’image en question.
 
Les éléments iconiques, plastiques et linguistiques révélés par la description peuvent alors être soumis à l’interprétation de l’auteur de l’analyse qui proposera son point de vue grâce à la rhétorique et aux connotations liées à ces divers éléments : par exemple dans les Ambassadeurs d’Holbein, la présence du luth parmi les objets en second plan a pour connotation de premier niveau la musique mais fait référence, en second niveau, au quadrivium de l’humanisme et par métonymie (rhétorique) à l’érudition des personnages en premier plan.
 
Peuvent être pris en compte dans l’analyse et soumis aux interprétations de la connotation : le support et le cadre, le point de vue (frontal, décalé, en contre plongée etc.) la composition (ouverte, fermée), la construction ou mise en page (elle peut faire la différence entre les artistes ou au contraire rester fidèle aux conventions d’une époque), les formes, les couleurs, l’éclairage, les textures et matières, la taille des éléments et motifs, les objets, les personnages (leur pose : de face, de profil ; la direction de leur regard ; ce qu’ils font…), les animaux, l’architecture, les lieux
 
Lorsqu’un message linguistique est présent dans une image il permet souvent d’orienter le message et par conséquent, la réception qu’en fera le spectateur.
 
V - La conclusion
Une fois l’analyse terminée, l’auteur peut donner son appréciation personnelle sur l’artiste et son œuvre ou encore les placer dans l’histoire de l’art par rapport à ce qui a été fait, ce qui sera fait et ce que l’œuvre étudiée aura, éventuellement, apporté comme héritage aux époques suivantes.

 
La méthode décrite ci-dessus n’est, bien entendue, pas à prendre au pied de la lettre. Elle a pour vocation d’aider ceux qui souhaitent analyser un tableau en leur permettant de pouvoir aborder d’une manière globale les différents points importants à traiter. L’auteur choisira en fonction de sa ligne directrice ce qu’il souhaite développer et ce qu’il laisse de côté ou, s’il préfère, intégrer les différentes étapes décrites plus haut à la description et ainsi proposer une vision plus littéraire de son analyse.