Vanitas, Robe de Chair pour Albinos Anorexique

Jana Sterbak - 1987
par Elodie Aliadière

L’œuvre de Jana Sterbak est une réalisation qui nécessite le passage du temps pour exister pleinement et pour prendre son sens réel.


Dans un premier temps, elle réalise une robe cousue de viande, sans doute des tranches de bœuf à en voire la rougeur des chairs encore fraîches. La robe est portée par une jeune femme et présentée par une photographie au décors très épuré où le modèle pose tel une figure de magazine en robe de haute couture.

Le contraste entre la viande rouge, qui semble encore pleine de vie, et la pose presque lascive et empreinte de détachement de la jeune femme, provoque un certain malaise. Ici, l’artiste retourne en quelque sorte le corps de la jeune fille et en montre l’intérieur, la chair, de manière crue, au sens propre et figuré.

Ensuite, la robe de chair est portée sur un mannequin de couturier en bois et tissus (on voit alors une inversion des rôles : c’est le tissu qui porte, et c’est la chair qui est portée). Ainsi, sur son nouveau support, elle continue d’évoluer. En effet, avec le temps, les chairs commencent à sécher progressivement. On voit le flétrissement progressif des chais à travers une série de photographies des différentes étapes de la vie de cette œuvre.

Au début, les fibres se resserrent tout en gardant la teinte rouge du sang. Petit à petit, elles perdent leur teinte et prennent un ton ocré, une teinte qui n’inspire plus la vie, mais le desséché, à l’image de certaines momies.

À travers cette œuvre au titre tant énigmatique qu’humoristique, Jana Sterbak nous montre, non sans ironie, le flétrissement des chairs, de la jeunesse et de la beauté qui passe, la vanité déchue par la cruauté du temps. Ce temps qui irrémédiablement dessèche, flétri sans pitié la peau et le corps, qui fait perdre les couleurs et l’éclat de la jeunesse et de la vie. Cette œuvre n’existe que par la patience ; c’est le passage du temps qui crée le devenir de l’œuvre. Aujourd’hui, la robe de chair reste visible, portée sur son mannequin de couturier en bois, et les photographies des différentes étapes de son existence ne font qu’en renforcer le sens profond.

Cette réalisation ne peut laisser indifférent par les sentiments qu’elle provoque. Bien sûr, notre affect est touché par les thèmes du vieillissement du corps, de la perte de la beauté et de la jeunesse qui passe. Mais l’utilisation de la chair animale pour la création de l’œuvre n’est pas sans choquer et poser bien des questions d’ordre éthique et morale quant à l’emploi d’un animal dépecé pour la création de l’œuvre.

En effet, la chair devient un matériau comme le tissu, le bois ou la peinture. Mais on ne peut s’empêcher de penser que ce matériau en question provient d’une bête qui fut bien vivante. Ici, l’artiste n’utilise pas un être vivant, mais les traces de vitalité sont encore très présentes quand elle nous montre la viande encore gorgée de sang et qui semble encore frémir de vie. Cela provoque un sentiment extrêmement dérangeant qui pose la question de savoir jusqu’où l’on peut aller dans l’utilisation de corps, même si ce sont ceux d’animaux, même si ce sont des corps déjà morts, pour réaliser une œuvre d’art.

Quoi qu’il en soit, il semble qu’ici, le matériau choisi soit plus que percutant, car on ressent, sans besion de commentaires, de manière directe et viscérale, le message que Jana Sterbak a voulu nous transmettre à travers son œuvre.




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